24 Oct DESCARTES, « JE PENSE DONC JE SUIS »
PAR MARTIN LEGROS
Improvisations au piano : JOHAN FARJOT
UNE PETITE HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE EN SEPT ÉPISODES
- 4e séance : Descartes, « Je pense donc je suis ».
En partenariat avec PHILOSOPHIE MAGAZINE
Sept lectures participatives de petits extraits décisifs des grands textes de l’histoire de la philosophie, de Platon à Hannah Arendt, accompagnés de musique improvisée. Pour se coltiner en direct et de manière vivante aux grands moments de la philosophie.
Après une courte introduction qui présente le philosophe et l’œuvre du jour, on lit ensemble, ligne à ligne, le texte en essayant d’en comprendre les articulations fondamentales mais aussi les questions qu’il soulève. Tout au long de la séance, Martin Legros incite le public à réagir au texte pour en interroger le sens.
Philosophe et journaliste, Martin Legros est rédacteur en chef de Philosophie magazine et de Philomag.com. Il est l’auteur de Pantopie (Le Pommier), entretiens avec Michel Serres et de Que faire ? Dialogue entre Alain Badiou et Marcel Gauchet (Philosophie magazine Editions), il dirige la collection 20 Penseurs (Philosophie magazine Editeur).
PROGRAMME 2022 -2023 :
- 1er séance (4/10/2022) : Platon. L’allégorie de la caverne ou la découverte du monde des idées.
- 2eme séance (29/11/2022) : Aristote, L’homme est un animal politique
- 3eme séance (13/12/2022) : Saint Augustin et la découverte de l’intériorité
- 4e séance (10/1/2023) : Descartes, « Je pense donc je suis ».
- 5e séance (7/2/2023) : Rousseau et la différence entre l’homme et l’animal
- 6e séance (7/3/2023) : Emmanuel Kant et l’universalité du beau
- 7e séance (4/4/2023) : Hannah Arendt et la banalité du mal
Auteur : René Descartes (1596- 1650)
Texte : Méditation métaphysique (1641)
Enjeu : Il nous est déjà tous arrivés de douter de nos sens et de ne pas savoir distinguer entre le rêve et la réalité. Dans l’expérience dite du « Cogito », une expérience menée à la première personne et racontée, étape par étape, comme un roman d’apprentissage, Descartes pousse à la limite l’épreuve du doute et invente l’idée moderne de sujet.
Extrait :
« Je suppose donc que toutes les choses que je vois sont fausses; je me persuade que rien n’a jamais été de tout ce que ma mémoire remplie de mensonges me représente; je pense n’avoir aucun sens; je crois que le corps, la figure, l’étendue, le mouvement et le lieu ne sont que des fictions de mon esprit. Qu’est-ce donc qui pourra être estimé véritable? Peut-être rien autre chose, sinon qu’il n’y a rien au monde de certain. Mais que sais-je s’il n’y a point quelque autre chose différente de celles que je viens de juger incertaines, de laquelle on ne puisse avoir le moindre doute? N’y a-t-il point quelque Dieu, ou quelque autre puissance, qui me met en l’esprit ces pensées? Cela n’est pas nécessaire; car peut- être que je suis capable de les produire de moi-même. Moi donc à tout le moins ne suis-je pas quelque chose? Mais j’ai déjà nié que j’eusse aucun sens ni aucun corps. J’hésite néanmoins, car que s’ensuit-il de là? Suis-je tellement dépendant du corps et des sens, que je ne puisse être sans eux? Mais je me suis persuadé qu’il n’y avait rien du tout dans le monde, qu’il n’y avait aucun ciel, aucune terre, aucuns esprits, ni aucuns corps; ne me suis-je donc pas aussi persuadé que je n’étais point? Non certes, j’étais sans doute, si je me suis persuadé, ou seulement si j’ai pensé quelque chose. Mais il y a un je ne sais quel trompeur très puissant et très rusé, qui emploie toute son industrie à me tromper toujours. Il n’y a donc point de doute que je suis, s’il me trompe; et qu’il me trompe tant qu’il voudra il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose. De sorte qu’après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition: Je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit. »
(Seconde Méditation, Traduction du duc de Luynes (1647))